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surcharger, à suivre avec profit le cours qui fait suite. Le cours inférieur entraîne les enfants de 7 à 8 ans à la lecture, à l’écriture et aux exercices fondamentaux de calcul, qui leur seront nécessaires pour aborder avec plus d’efficacité l’étude des connaissances élémentaires localisées au cours moyen. Pourquoi compromettre ce travail d’entraînement en ajoutant une langue étrangère qui n’a rien à voir pour le moment dans l’éducation du petit ? Le cours se trouverait scindé et il perdrait le caractère qu’on lui a délibérément imprimé.

Le cours inférieur est encore organisé pour entraîner l’enfant à penser et à exprimer, dans son propre langage, les idées qu’on lui fait acquérir d’une manière méthodique, par une observation réfléchie sur ce qui l’entoure, par les récits qu’on lui fait, les anecdotes et histoires qu’on lui raconte, les causeries où l’on établit le contact intellectuel entre son esprit et les réalités de la vie.

Le mal dont on se plaint à cette époque de scolarité, c’est que l’enfant n’a pas d’idées personnelles, et n’a pas de mots pour exprimer à sa manière ce qu’on a cru lui montrer au moyen du livre. Si le mot du livre, la phraséologie, lui fait défaut, tout manque. La mémoire seule est en jeu, et c’est la mémoire de mots incompris en eux-mêmes ou dans leur assemblage.

Le programme a chassé le manuel de ce cours, et à la place il a mis l’enseignement vivant qui éveille l’activité intellectuelle et favorise ce travail d’élaboration par lequel les idées se perçoivent, s’assimilent et tendent à établir une synthèse mentale. Ce travail intérieur doit se compléter et se perfectionner par l’habitude de faire exprimer à l’enfant, dans sa langue maternelle, en enrichissant ou en corrigeant son vocabulaire, les idées qui lui sont ainsi rendues familières. L’enfant s’initie à parler, c’est-à-dire à penser et à exprimer cette pensée avec ses propres mots, à les utiliser par sa propre puissance d’appropriation. C’est le stage le plus important et le travail le plus délicat.

Toute intervention d’une langue nouvelle à cette époque où la pensée de l’enfant est encore hésitante et ses moyens d’expression pauvres et défectueux, à ce moment où il s’initie péniblement à l’orthographe, toute intervention, dis-je, d’une langue nouvelle ne peut que retarder ou compromettre ce travail fondamental.

Une année plus tôt ou plus tard, a-t-on dit, quelle différence cela peut-il bien faire ? Les partisans de l’enseignement hâtif de l’anglais ne tarderont pas à utiliser le même argument pour le commencer en première année au lieu de la deuxième. Une année plus tôt ou plus tard…

Pour répondre directement à cette objection, je dis que chez l’enfant de cet âge, un an est beaucoup. En outre, tant que le cours inférieur n’aura pas fait son œuvre de le mettre en état de lire, d’écrire et de parler dans