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« La question qui se pose, pour nous Canadiens français, est donc de savoir si nous devons nous attacher aux traditions de la pédagogie française, ou si nous devons en sacrifier quelque chose pour mieux nous adapter au milieu où nous vivons. Resterons-nous délibérément latins ou nous ferons-nous saxons parlant français ? (page 353). Bien sûr, Père, il faudra sacrifier quelque chose… Rien de désirable ne s’obtient sans sacrifice ici-bas : et vous résolvez vous-même la question en ce sens quand vous dites ce que nous citions tantôt : « Nous serons des français du Canada… à deux mille lieues de la France… nous perdrons d’un côté, nous gagnerons de l’autre »…

Il ne faut pas s’imaginer, par exemple, que, pour apaiser les clameurs de certains anglophobes, notre haute finance deviendra française sans coup férir. Quand nos trois millions de Canadiens français de l’Amérique du Nord, répondant au désir présumé de nos « zélés », feraient tous vœu, pour conserver leur caractère ethnique, de ne plus apprendre l’anglais, ou de le parler le plus mal possible, empêcheraient-ils par là les cent quinze autres millions de continuer à ne parler que l’anglais ? Et si nous voulons, dans cette immense communauté, prendre une place qui nous convienne, ne nous faut-il pas être bilingues ? Et donc, il faut que la très nombreuse génération de nos enfants qui ne fréquente nos écoles que jusqu’à quatorze ou quinze ans, soit, autant que faire se peut, en état de « se défendre » en anglais.

Ce résultat peut s’obtenir sans faire de nos enfants de « simples imitations d’anglais ou d’américains ; mais pour y réussir, il faut d’abord que les partisans de l’Action Française » cessent de mépriser nos meilleures écoles primaires en parlant continuellement des sujets inférieurs qui en sortent. Si nous voulons sincèrement le bien des nôtres, il nous faut encourager nos éducateurs et leur aider à parfaire leur œuvre déjà si ingrate, afin que nous ne soyons pas dans la nécessité d’envoyer nos enfants aux « business colleges » pour leur procurer la connaissance de l’anglais dont ils ont un indispensable besoin.

Supprimez l’anglais des basses classes de toutes nos écoles ; que les parents constatent qu’à treize ou à quatorze ans les enfants n’en savent pas assez, et vous aurez le beau résultat suivant : un grand nombre d’élèves canadiens-français aux écoles anglaises et souvent protestantes des États-Unis et d’ailleurs — la belle victoire pour la mentalité française de ces enfants, et quel gain pour la race !

— III —

« Resterons-nous délibérément latins », dit le R. Père Adélard Dugré, « ou nous ferons-nous saxons parlant français… Question d’une importance primordiale et diversement résolue jusqu’ici. »