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pour les diocèses des Trois-Rivières et de Nicolet, cette affirmation était dénuée de fondement. Voici, pour l’an dernier, extraits de cet article, quelques chiffres relatifs aux deux collèges classiques et aux deux collèges commerciaux de ces diocèses.

Total
des élèves
  Élèves
de la campagne
  Élèves
de la ville
2 collèges classiques 813 447 366
2 collèges commerciaux 1065 141 924

Si désertion il y a, on voit déjà par ce tableau que les collèges commerciaux ne sont pas les plus coupables. De plus, dans un de ces deux collèges commerciaux, il n’y avait que 41 élèves des paroisses rurales sur les 550 élèves inscrits, et de ces 41 élèves 18 seulement étaient fils de cultivateurs. Des 72 élèves auxquels on a délivré des diplômes dans ce collège depuis une douzaine d’années, 10 seulement étaient fils de cultivateurs, et sur ces 10, quatre sont retournés sur la terre paternelle. Les six autres, fils d’une famille d’au moins cinq garçons, durent forcément chercher fortune ailleurs. Que feront les dix-huit élèves précités ? Comme leurs aînés, sans doute, plusieurs choisiront la carrière agricole. On voit donc que le drainage vers les villes est une chimère. Cette accusation n’est pas plus fondée que celles de l’anglicisation et de la matérialisation.

Alors, pourquoi cette lutte contre les collèges commerciaux à l’occasion de l’anglais ? Ne sommes-nous pas en droit de nous demander si c’est bien l’anglais qu’on a en vue, lorsque les plus fortes clameurs partent de quelques bouches qui n’ont pu mordre dans le pain blanc que grâce aux flots d’anglais qu’elles pouvaient heureusement écouler. Comment expliquer aussi cette contradiction flagrante entre le vœu du Congrès de la langue française en 1912, favorable à l’augmentation de l’anglais dans l’enseignement, et les hauts cris contre ce même enseignement en 1920 ? Ce vœu se formulait ainsi : « Que l’enseignement bilingue soit partout considéré comme un élément de supériorité dans notre système d’instruction, et que, dans tous les endroits où il y aura lieu, on s’applique à l’étendre et à le faire progresser. » À qui fera-t-on croire qu’on ne veut plus aujourd’hui ce que l’on réclamait en 1912 ? Évidemment, on poursuit un autre but que la diminution de l’anglais dans ces écoles, c’est l’amoindrissement des écoles elles-mêmes. C’est pourquoi l’on dénigre l’enseignement de nos collèges commerciaux et l’on injurie superbement ceux qui le donnent, tout en protestant il est vrai de son profond respect. Ne dirait-on pas de respectables farceurs qui, dissimulés derrière le même paravent, se font de fraternelles risettes après avoir lancé l’un après l’autre quelques boulettes dorées, mais à base de fiel.