LA CAMPAGNE CONTRE LES COLLÈGES COMMERCIAUX.
Joseph Breton.
Sur le berceau de l’école primaire maints docteurs se sont penchés. La jeune race se porte mal paraît-il. Les précepteurs officiels attribuaient ce mal à une surabondance de nourriture. Impatients d’intervenir, quelques guérisseurs d’occasion, après consultation en « petits comités » (l’Action française, mai 1919, p. 222) déclarèrent que le nourrisson avait absorbé de l’anglais « à grandes doses démesurées » (l’Action française, octobre 1920, p. 405). Quels infâmes lui firent donc avaler ce poison ? « C’est nous tous » (l’Action française, octobre 1920, p. 465) confessent humblement les guérisseurs. Vite, un antidote, clament les plus paternels. Mais, soudainement hallucinés, chacun d’eux crut voir se dresser, comme « une bande de Béotiens » (Le Progrès du Saguenay), les spectres des collèges commerciaux qui hurlaient : Non, il lui faut plus d’anglais. Alors, prenant ce rêve pour une réalité, sans examen ni raison, tous s’écrièrent : Voilà l’ennemi. Enfourchant leur rossinante, ce fut une charge à fond de train avec force ruades contre les collèges commerciaux et leurs instituteurs pour leur « arracher la direction de la race » (La Rente, 1er octobre.) Alors ces pourfendeurs frénétiques firent entendre des vociférations telles que celles-ci :
« Nous ne croyons pas qu’il y ait jamais eu dans la province de Québec, de plus puissant agent d’anglicisation et de corruption de notre langue que ces collèges. » (Action française., oct. 1920).
« Un grand nombre d’éducateurs, surtout dans les collèges commerciaux, ont résolument sacrifié, par inconscience ou parti pris, une part considérable de la tradition française. » (Le Père Dugré, Action française, août 1919).
« Sous la direction de maîtres bien intentionnés mais bornés, parfois intéressés à exploiter pécuniairement le snobisme anglomane des parents, nous poursuivons depuis trente ans un idéal soi-disant utilitaire. » (M. Asselin, La Rente, 1er octobre.)
« Si les intellectuels laissent angliciser et matérialiser l’enseignement primaire,… ils s’apercevront avant longtemps que la culture des sommets restera stérile. » (Le Devoir, 9 novembre 1920.)