Page:Allumez vos lampes, s'il vous plaît, 1921.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 70 —

liste », nous apprend que la méthode bilingue fut préconisée avant le frère Savinien par le Breton Tanguy (an VIII), par un instituteur de l’Hérault (1819), par le Provençal Chabaud (1826), etc. La « Revue hebdomadaire » ajoute que « les tentatives dans ce sens n’ont cessé de se reproduire pendant tout le siècle dernier ». On y voit clair sans bésicles : le frère Savinien eut des précurseurs. Petite inexactitude, il est vrai, mais trahissant encore le même filon d’erreur.

Le révérend Père devrait bien quitter cette veine ; mais, il y reste et ne peut prouver autrement que par des inexactitudes que « nombre de Canadiens ont réussi à maîtriser l’anglais qui ne l’ont appris qu’assez tard ». « Laurier ignorait l’anglais à dix-huit ans, Bourassa n’en savait rien à quatorze ans », dites-vous. Or, je lis à la page deux, dans « Laurier, sa vie, ses œuvres », par L.-O. David, qu’« avant de le mettre au collège, son père eut la bonne pensée de l’envoyer apprendre l’anglais dans une école de New-Glasgow et de le confier à une famille écossaise. C’est là qu’il acquit les premiers rudiments de la langue qui devait tant contribuer à ses succès. Il parlait souvent avec sympathie des familles écossaises qu’il avait connues à New-Glasgow et de son professeur Sandy Maclean ».

Quant à Bourassa, on sait qu’il fit ses premières études à l’Académie du Plateau, à Montréal. Or, cette école est essentiellement bilingue. Est-ce que, par hasard, Bourassa aurait été dispensé de suivre le cours d’anglais qui s’y donnait ?

Vous avez mal choisi vos exemples, mon Père.

Une telle fourmilière d’erreurs est surprenante. Voilà ce qui arrive lorsqu’on se croit capable « de traiter à quelques heures d’avis un sujet sérieux ». On confond l’erreur avec la vérité ; confusion plus grave que celle que vous redoutez, mon Père : « la formation pédagogique des Frères et la dépopulation des campagnes ». Scrupule très amusant, qui aurait eu mieux sa place ailleurs.

Les palpitations excessives de votre cœur sont touchantes. Vous aimez trop les Frères, ce qui est plus qu’évangélique. Etant élève des Frères, j’aime assez mes maîtres, et je vous aime assez, mon Père, pour relever les erreurs de votre article.

À votre voisin, un jour, vous avez dit humblement : Ils ne se doutent même pas de ce qui leur manque, la simplicité, le goût, la suite des idées, l’art de les nuancer, de les amener, de les graduer, la SOLIDITÉ DE LA DÉMONSTRATION. »[1] Ces confidences de voisinage, vos lecteurs ne pourraient-ils pas justement les échanger à votre sujet ?

Tout en étant sensibles à votre affiche d’intimité, les Frères, comme moi et le fabuliste, pourraient convenir que :

Rien n’est si dangereux qu’un ignorant ami.
Mieux vaudrait un sage ennemi.
Joseph Breton.
  1. Action Catholique, 7 déc., 1920.