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années du cours, d’ailleurs — de donner à l’anglais autant d’importance qu’au français. Ceux qui font semblant de croire et qui disent que tel est l’état de chose actuel, ou celui que l’on veut introduire, font preuve de peu d’intelligence ou de beaucoup de mauvaise foi. Une demi-heure d’anglais et cinq heures et demie de français, ce n’est pas là une parité. Car, remarquons-le bien, dans toutes nos écoles de la province — sauf de très rares exceptions, et cela dans les classes les plus avancées seulement il n’y a que l’anglais qui s’enseigne en anglais ; l’anglais n’est donc pas la langue de l’enseignement, et il n’est nullement question de détrôner Sa Majesté la Langue Française au profit de l’« English Speaking. » comme on le laisse entendre plus ou moins clairement dans tous les articles parus pour la défense des nouvelles théories. Ce n’est pas agir honnêtement que de représenter comme des anglicisateurs à haute pression, ceux qui veulent pour nos enfants une toute petite dose d’anglais.

D’après monsieur le chanoine Gosselin, le premier stage à l’école primaire est essentiellement le prolongement de la famille : donc, pas d’anglais, conclut-il. Quelle est la longueur de ce premier stage qui est essentiellement le prolongement de la famille ? Est-ce le premier jour ? les six premiers mois ? la première, les deux premières ou les dix premières années ? C’est laissé au jugement d’un chacun. Le deuxième stage de l’école primaire n’est-il pas essentiellement la continuation du premier, et partant de la famille ? N’a-t-on pas droit de conclure aussi logiquement : pas d’anglais au deuxième stage ? Jusqu’où faudra-t-il aller pour trouver une solution de continuité qui nous permette d’introduire l’anglais sans risquer la déformation de l’enfant ? La réponse est déjà donnée : il faut attendre que l’enfant sache bien sa langue maternelle. Réponse facile à donner quand on est confortablement assis dans un fauteuil de chapelinat peu onéreux et grassement rémunéré, ou quand le côté matériel n’offre plus de préoccupations. Quant à ceux qui sont engagés dans la lutte pour la vie, et qui doivent vivre de leurs propres sueurs, ils raisonnent autrement, et pour ceux-là, la réponse n’est pas aussi simpliste. Ils n’ignorent pas qu’il faut des principes, du patriotisme ; mais ils savent aussi qu’ils ont besoin de beurre sur leur pain et d’une bûche dans leur âtre. Il est plus facile de rire dédaigneusement des gens « pratiques », « troupeau maigre fasciné par une maigre pâture, » que de montrer sa propre supériorité ; plus facile de parler de l’étroitesse d’esprit de ses contradicteurs, que de prouver, par autre chose que par un cynisme révoltant, l’ampleur de ses propres idées.

« Dorénavant, nous dit monsieur le chanoine, il faut, comme le réclament les prêtres éducateurs, que l’enseignement du français et de la religion ait la place d’honneur dans nos écoles primaires. » Mais, monsieur le chanoine, vous devriez répéter ici ce que vous disiez au commence-