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Québec, le 9 octobre, 1920.


Monsieur le Directeur,


Serait-il permis à un ancien instituteur de dire son mot sur la question du jour : l’enseignement de l’anglais et de la comptabilité à l’école primaire et dans les collèges commerciaux ? Je suis fatigué d’entendre émettre depuis quelque temps, sur ces maisons d’éducation, des affirmations qui me paraissent être aux antipodes de la vérité.

Quiconque a lu les articles de Mgr  Ross a pu se rendre compte que lui et un certain nombre de ses admirateurs sont de l’avis du Père Dugré, à savoir que : « un grand nombre d’éducateurs, surtout dans les collèges commerciaux » — presque tous dirigés par les Frères enseignants — « ont résolument sacrifié, par inconscience ou parti pris, une part considérable de la tradition française », et ils s’imaginent voir de l’anglais et de la comptabilité en tête du programme d’écoles primaires où il n’y en a pas l’ombre.

Où sont-ils donc ces partisans outrés de l’enseignement de l’anglais ? Seraient-ce ceux qui en font un quart d’heure ou tout au plus une demi-heure au cours élémentaire actuel, ou ceux qui en font une heure dans d’autres cours ? « L’illusion du système défectueux » consisterait-elle à donner quelques notions d’anglais et de mathématiques commerciales à la très grande majorité des enfants qui quittent l’école à treize, quatorze ou quinze ans ? « L’illusion » n’est-elle pas plutôt dans le fait qu’on forge un programme qui suppose que les enfants de la classe populaire vont aller aux études jusqu’à vingt ans et plus, comme au cours classique ? Ce sera toujours le petit nombre qui poursuivront jusqu’au bout le cours commencé à la petite école ; et les professeurs ne doivent-ils pas travailler pour le plus grand nombre ?

Ou bien n’auront-ils en vue que la formation de quelques-uns, de ces privilégiés qui feront l’honneur des écoles spéciales, ou flatteront l’amour-propre des messieurs de l’enseignement secondaire ? Certes l’idée préconisée serait bonne si l’école était obligatoire jusqu’à dix-huit ans ; chacun doit savoir qu’on n’apprend pas une langue étrangère ou qu’on ne se spécialise pas en un an ou deux. On ne prétend pas le faire non plus en commençant, chez les tout jeunes enfants ; mais on a bien la conviction cependant d’acheminer la majorité vers ce qu’il leur faut, en quittant l’école. Il n’en serait certainement pas ainsi sous le nouveau régime prôné avec tant d’emphase, puisque, comme on le répète tant de fois dans les dits articles, au sortir du cours élémentaire, l’enfant ne doit pas être encore orienté. Et comme il ne reviendra plus à l’école, que fera-t-il pour gagner sa vie ?

Mais pour « orienter » leurs élèves, les écoles paroissiales tenues par les « bons Frères » ne font-elles que de l’anglais et de la comptabilité ? Oser