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Cette explication donnée, il n’est pas exagéré de maintenir qu’il faut, sous peine d’abdication, conserver, dans l’école qui façonne l’âme des petits Canadiens français de la province proclamée le cœur de tous les groupements français d’Amérique, une prédominance jalouse à la langue maternelle qui porte avec elle toutes les richesses de l’âme française, de nos traditions, tous les secrets de notre force et de notre miraculeuse survivance. Quelle que soit la nécessité de l’anglais pour l’homme de nos villes, ce n’est pas une raison pour étouffer dans l’enfant le « principe de vie qu’il a dans le sang. » Aucune nécessité ne doit empêcher qu’on ne donne d’abord à l’enfant sa formation première suivant sa nature, son âme, son tempérament. Et c’est l’œuvre de la petite école, surtout des premières années de la petite école. Aux cours moyen et supérieur, et surtout à l’école complémentaire pour l’enfant qui ne va pas plus loin, il y a tout le temps voulu pour lui fournir les éléments d’une langue qu’il devra utiliser et approfondir toute sa vie. Mais, encore une fois, n’allons pas priver l’âme de l’enfant de ce qui doit faire sa force et sa grandeur, constituer la raison de sa supériorité. Et pour être supérieur, il faut que le Canadien ait dans l’âme assez de fierté pour chercher à se grandir par la culture qui convient à l’âme de sa race, à son tempérament ethnique.

Comme le disait si bien au congrès des notaires, M. Ferdinand Roy, le bâtonnier du Barreau : « Nous, les fils légitimes de cette France, de cette race, allons-nous nous résigner à nous amoindrir en étouffant le principe de vie que nous avons dans le sang, et, parce que nous vivons en Amérique, au Canada, à n’être plus que la moitié de nous-mêmes ? Non pas. Nous devons être nous intégralement… Soyons, corps et âme, totalement nous-mêmes ». Quand nous serons cela, — et nous ne le serons que si la petite école s’entend avec la famille pour nous en garantir la base, — alors nous pourrons ajouter sur ce fond solidement constitué, autant d’apport étranger qu’il sera nécessaire. Nous serons en mesure d’assimiler sans être assimilés. »

« Il n’est pas prouvé — dit le mémoire déjà cité des professeurs de Montréal — que l’étude de l’anglais nuise à celle du français ». Est-il besoin de prouver que deux font plus que un, et que l’étude parallèle de deux langues ne peut occuper un cerveau de 7 à 12 ans sans accumuler les difficultés et engendrer la confusion ? Il n’est pas prouvé ? Allons ! Même si l’enfant apprend aussi bien à lire son français, l’étude d’une langue ne se borne pas à la lecture. Il y a l’orthographe, le vocabulaire, les tournures de phrase, l’esprit qui se forme, par cette étude. Qui n’a vu des mots français à orthographe anglaise ? Par exemple les correcteurs d’épreuves ont bien de la peine à faire comprendre à certains protes que « langage » ne s’écrit pas « language ». Qui ne sait tous les anglicismes