Page:Allier - Le protestantisme au Japon, 1908.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
LE PROTESTANTISME AU JAPON

Il semble bien que certains missionnaires n’aient pas toujours été très heureux dans leurs ripostes à cet enseignement rival. Il leur arrivait, comme à bien des théologiens d’Occident, de solidariser fâcheusement leurs croyances proprement religieuses avec la négation de telle ou telle hypothèse scientifique, par exemple avec la négation du darwinisme en histoire naturelle. Leur apologétique, dans ce cas, faisait à leur cause plus de mal que de bien. J’ai l’impression qu’on n’a pas tardé à s’en apercevoir et que bien des défenseurs du christianisme


    citée, donne des détails curieux sur l’évolution des divers partis intellectuels. Il y en avait un qui soutenait les droits du peuple, tels que les avait proclamés la Révolution française : « Les principaux représentants des idées françaises, c’est-à-dire des libertés et des droits du peuple, étaient Numa Morikazu, Oi Kentarô et Nakaé Tokusuké. Ils étaient allés en France, où ils avaient puisé ces goûts révolutionnaires. Le gouvernement japonais les vit plutôt d’un mauvais œil. Un jour, dans une réunion publique, Morikazu, parlant des règlements élaborés par la municipalité de Tôkyô, s’écriait : « Si ces lois que l’on vient de forger avaient une bouche, elles vous diraient leur indignation ; si elles avaient des yeux, elles pleureraient de tristesse sur les monstruosités qu’elles consacrent. » Nakaé traduisit le Contrat social et le répandit à profusion dans le peuple ; en collaboration avec Saionji Kinmochi et Matsuda Masahisa, il fonda le Tôyô-jiyû-shimboun, « La Liberté de l’Orient », où ils exaltaient les principes de 89. Le peuple, qui goûte toujours les doctrines qui lui parlent de ses droits plus que de ses devoirs, se joignit à eux… Mais l’école positiviste et utilitariste vint faire diversion et tourner les esprits vers un terrain plus pratique… On ne voulut plus accepter dans les sciences que l’expérience, en politique que l’utile, en religion que le scepticisme. Tandis que les discussions sur les droits du peuple étaient surtout théoriques, celles-ci visaient à la pratique, et c’est pourquoi l’opinion se détourna des premières pour suivre