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en lui d’être trahi par cette pâleur et ces rides qu’il avait oubliées (1).


Il est singulier que l’on tienne à une existence contrariée par les privations, stérile pour le plaisir, ingrate à l’espérance, soumise à un arrêt exécutable de jour en jour. Cependant le vieillard adhère à la vie plus étroitement que la mousse ne fait aux ruines. Ainsi qu’une mère qui s’attache plus à un enfant délicat dont la conservation est le prix de ses soins, l’homme qui a une difficulté d’être jouit mieux de chaque aurore qu’il a disputée ; c’est une partie qu’il semble jouer contre la mort, et il se pique au jeu. Au reste, il est si attentif, que rien de ce qui se passe autour de lui ne l’en saurait distraire. Ne lui demandez pas d’être sensible à la beauté de la nature ; le spectacle du monde le touche moins que celui de sa personne surtout quand son miroir le rassure (2).


Le vieillard jouit d’un avantage qui a son côté triste. Il sait la vie : plus d’une fois il a été trompé par les hommes, plus souvent par lui-même ; aussi, à mesure que les années s’accumulent, nous croyons voir tout empirer. Les objets nous paraissent soumis à un mouvement qui les altère ; et c’est


(1) Idée d’amour. (2) Idée d’existence.