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une incertitude qui n’est pas sans plaisir. Il n’y a pas jusqu’aux barques de pêcheurs qui gagnant peu à peu le large, ne tiennent notre curiosité en suspens, et ne soient comme un secret à demi pénétré (1).

La mer rend perceptible à nos sens la notion la plus incompréhensible de notre esprit. L’étendue démesurée de cet objet, qui est partout et ne finit nulle part, éveille en nous une pensée plus vaste que l’océan même pensée qui nous donne le sentiment de l’immortelle grandeur de notre âme, et nous révèle l’attribut le plus essentiel de la divinité. Aussi, la rêverie dans laquelle on tombe en regardant la mer est une fuite hors du temps. Nous voyons Dieu en figure ; les barrières de la vie s’effacent ; les moments n’ont plus de succession ; nos souvenirs se confondent comme les objets aux yeux des mourants ; c’est une vision de l’infini qui traverse notre âme (2).

L’océan est le trône mobile de l’immutabilité éternelle ; les siècles s’écoulent, et il demeure le même. Il n’est point, comme la terre, assujetti aux lois du génie et des passions de l’homme. Fier de sa stérilité sublime, il ne porte aucune production, fruit du travail. Nous ne pouvons ni le creu-

(1) Idée de vérité. (2) Idée d’infini.