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précédent. Buffon est magnifique dans son style, mais il éblouit plus qu’il n’échauffe ; Bernardin de Saint-Pierre est insinuant et harmonieux, mais il touche plus qu’il ne persuade. L’un étudie la nature pour la décrire, l’autre la chante parce qu’il l’aime ; celui-ci est naturaliste et orateur, celui-là poëte et moraliste. Buffon agite un vaste miroir où se réfléchit la création ; Bernardin de Saint-Pierre récite un hymne adressé par l’âme à l’auteur de toutes choses ; celui-là décrit le monde matériel comme un tout dont l’homme n’est qu’une partie ; celui-ci voit dans le monde plus que le monde, et découvre des harmonies entre ses lois et nos sentiments. En lisant Buffon, je crois parcourir une enceinte où la science a réuni tous les échantillons des règnes de la nature ; en ouvrant Bernardin de Saint-Pierre, je voyage avec lui dans les plus belles régions de la terre, et çà et là, sous sa conduite, j’admire les merveilles semées par la main de Dieu.

Mme de Staël est, avec Bernardin de Saint-Pierre et M. de Châteaubriand, à la tête des écrivains qui ont créé, au xixe siècle, de nouvelles formes d’éloquence ; elle imite Rousseau, souvent le rappelle, quelquefois même le fait oublier. Rousseau arrive à la pensée par le sentiment, Mme de Staël au sentiment par la pensée : l’un