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truit la hiérarchie des ridicules : aujourd’hui que tous les rangs sont confondus, il y a égalité en tout genre, même dans les travers ; tout le monde prête à rire de la même façon : aussi la comédie qui a tant amuse nos pères s’en est-elle allée avec eux ; car, le jour où la loi a autorisé toutes les prétentions, aucune vanité n’a plus été particulièrement ridicule.

La même cause a fait tomber le roman de mœurs. Si ce genre a été cultivé de nos jours en France, il s’est borné à retracer les effets désastreux que produisent dans la société les mariages d’argent, tels qu’ils se sont multipliés dans les classes moyennes ; ces unions, où l’ambition donne la main à la fortune ont jeté dans Ics familles un désordre que les romanciers modernes ont reproduit dans leurs tableaux non moins désordonnés que les mœurs elles-mêmes.

Dans un temps où domine en toutes choses le principe de l’utilité, on se servira du roman pour agir sur les esprits et les conduire adroitement vers un but caché sous la fiction ; ce sera un moyen de s’emparer des passions au profit d’un intérêt quelconque : on pourra, en ce genre, faire un mal prodigieux. Rien de plus puissant ni de plus dangereux que le vernis de grâce et d’élégance appliqué à l’erreur, et que le