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gens sensés, en remarquant le mérite, gardent peu d’estime pour le caractère.

Le besoin de vaincre l’inattention du siècle explique la fureur des paradoxes, les extravagances de l’originalité, les travestissements du génie, les trompettes du charlatanisme. Ce ne sont plus des juges délicats et choisis qui décernent la palme ; c’est une multitude distraite et passionnée, dont il faut enlever les suffrages. Aussi tous les effets sont grossis ; la perspective est changée ; la muse reprend le masque et le porte-voix : c’en est fait des tempéraments du goût et de l’harmonie des proportions ; mais en même temps la liberté de tout dire et la grandeur des obstacles peuvent parfois produire de sublimes efforts, qui dans leur audace et leur énergie feront la gloire particulière de ce siècle.

La pensée qui cause les révolutions est aussi la puissance qui les modère : devenue un moyen d’action, elle servira à répandre d’utiles vérités ; il est vrai qu’elle sera aussi l’instrument des passions et du sophisme. Les lettres n’auront plus pour objet le délassement des grands seigneurs, mais aspireront à conduire les masses ; elles ne seront plus un concert mélodieux dans une cour attentive, mais un bruit de voix ardentes sur un forum.