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abandon, ce dénuement et cette faiblesse qui font sa beauté, sa grandeur et sa puissance.

Les aristocraties ont beaucoup fait pour la durée des nations qu’elles ont gouvernées. C’est un spectacle imposant que présentait cet ordre, fleur d’une société, splendeur du trône, modèle de grâce et d’honneur, souvenir et promesse de gloire, abrégé visible du génie le plus haut et le plus délicat d’une époque. L’homme a tant besoin d’admirer, que, pour éprouver l’enthousiasme, il consent à être surpassé et dominé. Aujourd’hui on se sentirait presque disposé à regretter la chute de ces nobles familles qui ne pouvaient fleurir et prospérer qu’au profit de la gloire de la nation, qui se croyaient des devoirs envers leurs noms, mettaient l’esprit de constance et de générosité dans la politique et laissaient à l’espèce humaine l’espoir de conserver toujours, comme objet d’orgueil et d’émulation, une image plus choisie d’elle-même. La réflexion, éclairée par la justice, dissipe bientôt ces inutiles regrets. Toute chair est précieuse devant notre Père commun. L’aristocratie offrait sans doute une brillante décoration ; mais combien de créatures délaissées avaient à supporter les frais du spectacle ! L’inégalité la plus injuste n’était pas alors dans ce hasard qui pouvait mettre à la tête de la société