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déposés. On voit que la multitude avait usé du droit de détruire son ouvrage. Les doges ainsi massacrés ou chassés violemment du trône, n’avaient souvent commis d’autre crime que d’avoir été malheureux dans la conduite de la guerre : ainsi périt le doge Michieli. Sous son règne, la république s’était brouillée avec Manuel Comnène, empereur d’Orient, qui, renouvelant la vengeance de Mithridate sur les Romains, fit arrêter et enchaîner à la fois en un même jour tous les Vénitiens qui se trouvaient dans ses États. Leurs compatriotes irrités s’en prirent au chef de leur république. La peste, apportée à Venise par la flotte qui l’avait ramené d’Orient, fut mise au nombre de ses crimes. Poignardé par la multitude furieuse, il servit à attester au monde que la république se regardant faite pour la gloire et la puissance, ne croyait pouvoir subir aucun malheur, si ce n’est par l’imprévoyance ou la perfidie de ses chefs. Ce dernier événement entraîna un grand changement dans la constitution de l’État. Le seul corps investi alors d’une autorité qui durât, était, un tribunal de justice criminelle, nommé la Quarantie cause du nombre de ses membres. Ce tribunal osa prendre sur lui la révolution concertée entre les plus puissants citoyens. Il décida que le peuple n’élirait plus directement le doge, mais choisirait seulement onze citoyens qui feraient entre eux cette suprême élection. Aux comices populaires qui s’assemblaient pour décider des grandes affaires, il substitua un conseil général de quatre cent soixante-dix membres, élus par douze électeurs, lesquels étaient nommés par les six quartiers de Venise. Ainsi le peuple ne devait plus exercer d’autre droit que de choisir les onze électeurs du doge et les douze électeurs du conseil-général. Rassurés contre la multitude, les notables prirent leurs précautions contre le doge. On lui nomma un conseil