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litique, se réveille, travaille et s’endort sans souci de la destinée nationale. Là, chaque existence est isolée ; l’État est une collection d’individus que ne rassemblent aucun effort, aucun espoir, aucune fin commune. J’y vois un grand nombre d’hommes, j’y cherche en vain une nation. Les hommes y vivent et passent les uns près des autres, mais non ensemble. Il n’y a que durant la guerre qu’ils se rapprochent et se dirigent, de concert, vers le même objet. Mais ce n’est pas entre les esprits que la communauté s’établit ; c’est entre leurs corps, qui ont à essuyer les mêmes fatigues. Ignorants des causes de la guerre, dépourvus d’enthousiasme, instruments passifs des projets d’un seul homme, ils se battent pour obéir et n’être pas tués.

Du reste, parler de l’activité générale qui serait chez un peuple esclave, c’est se contredire ; car c’est parce qu’il remue peu que ses chaînes tiennent.

Chez un peuple libre, au contraire, les lois font un devoir aux citoyens de s’occuper d’elles. Alors chacun a non seulement un but particulier à atteindre, mais une destinée commune à poursuivre. Les individus ont une double existence, l’une personnelle, l’autre générale. Tout particulier a sa fortune ; la nation a la sienne. La peuple est d’autant plus heureux, que cette vie nationale