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de la démocratie nouvelle.

xixe siècle : parlons donc des mœurs de notre temps.

On comptera, en témoignage de l’état désespéré des esprits, le nombre toujours croissant des suicides. Oui, j’en conviens, la fièvre de la mort volontaire fait de lamentables progrès ; mais, je le demande, le suicide n’est-il pas plus noble que la débauche ? Oui, celui-là qui peut s’arrêter à de basses et dégoûtantes voluptés, quand son ame s’est écartée de la religion, tombe mille fois au dessous de l’homme qui, ne pouvant vivre sans Dieu, se console avec la mort. L’un croit encore à l’illusion après avoir perdu la vérité ; l’autre se reconnaît dénué de tout, dès que la substance lui échappe, et la volupté ne peut même lui servir d’ombre de ce bien qu’il pleure. La jeunesse des temps passés ne se donne pas la peine de chercher le vrai Dieu et embrasse le libertinage comme une vile idole ; la jeunesse de nos jours, désespérée de courir en vain après des convictions qui l’ont fuie, et trop généreuse pour se souiller dans le plaisir, préfère le trépas à la perte de la lumière. Ainsi, l’existence de Dieu est proclamée sur ces tombeaux prématurés où s’engloutissent tant de cœurs désabusés des passions ; et j’aime à le croire, nous ne sommes pas loin du jour où l’homme, en deuil de la foi, ne se sacrifiera