Page:Alletz - De la démocratie nouvelle, ou des mœurs et de la puissance des classes moyennes en France - tome I.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
3
livre i, chap. i.

la justice, rendaient grands du respect des particuliers et des procédés obligés du souverain.

Enfin, ce prestige qui entourait autrefois la royauté, ces pompes du trône qui parlaient à l’imagination des sujets, ce culte de l’honneur et de la foi monarchique, où sont-ils ?

Rien de ce qui constituait l’ancien gouvernement n’est donc resté debout. Peut-on réparer l’édifice écroulé, et habiter dans ses ruines, ou si vous voulez, dans sa poussière ? Napoléon a essayé de le faire. Il a réveillé le pouvoir absolu, créé une aristocratie, appelé un clergé sur les marches du trône, tenté de façonner un esprit public sur sa fantaisie suprême. Il espérait, à l’aide de son système d’instruction publique, alimenter la nation dans un même esprit, et interrompre la succession des temps. Mais on ne peut pas vaincre les siècles comme on range le monde sous ses armes. On a beau donner des coups de verges à la mer, et précipiter des chaînes dans ses flots, elle ne souffre pas qu’on jette un pont sur son immensité.

Napoléon réussit à mettre le signet de la gloire dans le livre de la liberté ; mais il était forcé à se battre et à vaincre sans cesse pour nous distraire de nos souvenirs et de nos espérances. Il ne nous empêchait de tourner la page de la révolution qu’en mettant le globe du monde entre nos mains.