monarchie despotique ; et, quant à la démocratie, il est plus que probable que les classes moyennes possédant le pouvoir, la science, l’esprit de conduite, la richesse, les sources du travail, et ayant l’intelligence éprouvée des conditions auxquelles le maintien de leur autorité sera durable, sauront employer, pour contenir le débordement des passions populaires qui la leur raviraient, la force qu’elles ont mise jadis à prévaloir sur la royauté absolue et les corps privilégiés.
S’il importe à l’avenir du gouvernement des classes moyennes qu’elles ne soient pas tentées de faire revivre à leur profit les priviléges dont jouissait l’ancienne noblesse, il leur est cependant utile de prendre les habitudes d’esprit et de caractère qui conviennent au gouvernement. L’élévation de vues, qui achète la grandeur de l’avenir au prix de quelques sacrifices dans le présent, la hauteur des calculs embrassant les considérations morales, non moins que les intérêts positifs, la générosité de sentiments et d’idées, qui écarte les petits préjugés et les mesquines préventions, la dignité séant à une position d’où l’on ne voit pas et ne doit pas voir les pailles qui flottent dans l’air, la hardiesse qui entreprend, l’esprit de suite qui réussit, l’habileté dans les détails qui maintient ; l’idée d’honneur qui fait sentir les nuances, la politesse de langage et de manières qui adoucit les rapports entre les hommes, et entre les gouvernements, telles sont les qualités nécessaires à une classe appelée à gouverner la France : la bourgeoisie les aura sans doute, car on a tort de la juger par ce qu’elle a été lorsqu’elle obéissait : il faut prévoir ce qu’elle peut être, lorsqu’elle aura assez longtemps commandé pour être façonnée à la puissance. La liberté finit par donner d’elle-même les vertus qui font qu’on en est digne. Ainsi l’usage de l’autorité enseigne les qualités propres à la science du gouvernement.
