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se former ; car, quelles seraient les circonstances qui donneraient à quelques uns la force de s’emparer tout à coup de l’autorité, de l’immobiliser à leur profit, et de l’infuser dans leur sang ? La manière dont se fait la guerre, dans les temps modernes, ne permet pas aux chefs militaires de dominer, sur leurs hommes d’armes, ailleurs qu’autour du drapeau ; les ténèbres de l’ignorance, depuis la découverte de l’imprimerie, ne peuvent plus couvrir la face d’un pays, et d’ailleurs l’extinction de la lumière, chez une nation assez civilisée pour posséder une bourgeoisie, coûterait des siècles.

Au moment où les uns voudraient changer les lois, n’y aurait-il pas là toute la masse de ceux qui concourent à les faire, prête à défendre son ouvrage et à résister à un changement ? Pour ravir l’égalité à une nation qui a fait les révolutions de 1789 et de 1830, il faudrait d’abord lui ôter la mémoire.

Une autre objection faite au gouvernement des classes moyennes, c’est que, ne pouvant avoir l’esprit de corps, à cause de leur grand nombre, et de la mobilité qui est l’essence de leurs lois, elles sont par là dans l’impuissance de concentrer le pouvoir entre leurs mains et de résister à la couronne ou au peuple.

Nous avons réfuté cette objection dans la dernière partie de cet ouvrage, en montrant que, depuis les états généraux tenus en 1355, sous le règne du roi Jean, jusqu’à la révolution de 1830, faite sous celui de Charles X, la bourgeoisie a fait corps, s’est connue elle-même, a marché de concert pour vaincre, et saura rester unie pour se défendre.

Ce n’est pas aujourd’hui qu’on pourrait exprimer sérieusement des craintes sur le rétablissement d’une