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Or, de même que la domination exclusive d’un seul homme, ou l’autocratie, et l’autorité suprême de quelques familles, ou l’oligarchie, sont des constitutions à jamais précipitées par l’accroissement de la science et de la fortune publiques, le gouvernement des masses ou la vieille démocratie ne saurait être le produit d’une civilisation avancée, qui fait régner la justice et prévaloir le mérite.

L’autocratie, l’oligarchie et la démocratie ont été connues par le monde en son enfance, dénies et expliquées par Aristote, et ont précédé cet âge de l’univers marqué par la puissance des classes moyennes.

Ne méconnaissons pas un fait tout nouveau sur la terre : l’existence et la grandeur, chez les nations, de cet ordre, qu’on a nommé le tiers-état, et qui touchant à l’aristocratie par les lumières et les richesses, à la démocratie par la naissance et le nombre, est assez fort pour remplacer l’une et contenir l’autre.

Croire encore au triomphe de la vieille démocratie, comme à l’un des effets soit du perfectionnement des lois humaines, soit de l’action fatale de l’esprit d’égalité, c’est rétrograder, c’est pousser le temps de l’épaule, comme parle le cardinal de Richelieu, au lieu de suivre ce Dieu dans sa marche.

Certainement la loi du progrès, pour me servir d’une expression à la mode, doit amener choses différentes de celles qui ont déjà paru sous le soleil ; mais quoi de plus vieux que la démocratie ?

Le dogme de la perfectibilité doit aussi entraîner la persuasion que les gouvernements deviendront de plus en plus équitables et de plus en plus sages. Cependant est-il une domination plus aveugle et souvent plus tyrannique que celle de ces masses qui