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mémoires d’un communard

Ainsi que mes fonctions de président de la légion m’y obligeaient, je fis une enquête d’où il ressortit que le gérant du café de la « Source » connaissait, sinon la totalité des agresseurs, mais tout au moins trois ou quatre de ces malandrins. Je le fis venir à mon bureau ; il me jura ses grands dieux qu’il ignorait complètement le nom des coupables. Or, comme ces individus et les femmes qui les entretenaient étaient des habitués du café, je dus m’assurer de la personne du gérant. Puis, tenant à ce que de tels crimes ne se pussent renouveler, je pris une décision énergique et de nature à épurer l’arrondissement : dans la même nuit, plus de cent hôtels meublés furent visités et tous les locataires, dont les moyens d’existence n’étaient pas avouables, arrêtés et menés à la mairie.

Deux compagnies avaient été employées à l’opération, et près de quatre cents personnes des deux sexes avaient été comprises dans cet immense coup de filet.

Il ne demeurait plus qu’à les interroger, à morigéner les uns, c’est-à-dire les moins corrompus, et à sévir contre les autres s’ils se refusaient à revenir au travail, à la vie saine et honorable. Il en fut ainsi fait.

De nombreuses femmes consentirent à abandonner leur existence dégradante et à demander à une besogne, de suite offerte à leur bon vouloir, leur subsistance quotidienne. Il y en eut d’autres qui nous abreuvèrent de grossièretés et dont les gestes nous prouvèrent une perversion, un irrespect de leur dignité contre lesquels les meilleures volontés se brisent. Nous décidâmes qu’elles seraient envoyées au Dépôt.

Pour les hommes, nous fîmes de même, et avant que l’aube ne se fût levée, la colonne de celles et de ceux qui entendaient continuer de s’avilir dans la prostitution et refusaient de se régénérer par le travail, entrait à la Préfecture.

Que devinrent ces individus tarés, qui s’étaient refusés au relèvement moral et physique ? Je l’ignore, mais ce que je puis affirmer, c’est que la présence de commissaires de police dans l’arrondissement était devenue complètement inutile : pas un délit ne fut commis depuis le moment où nous avions posé ce dilemme au monde de la pègre et de la prostitution : accepter le tra-