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des barricades au bagne

préfet de police, à la veille du coup d’Etat de 1851.

Le maire y constatait que Marié était tout dévoué à la dynastie napoléonienne, que les signalés services qu’il avait rendus à la cause de l’ordre, en dénonçant les faits et gestes des républicains et des socialistes, lui avaient valu la haine de ces derniers et l’obligeaient à quitter le pays.

Telle était ma découverte !

Quel motif assez puissant avait pu engager Marié à garder sur lui une lettre aussi compromettante ? Peut-être avait-il dû s’en munir comme d’un témoignage irrécusable auprès des ennemis de la Commune avec lesquels il comptait s’entendre ; peut-être encore craignait-il que, durant son absence, on perquisitionnât chez lui ? En tout cas, la lettre du maire attestait que Marié était attaché à la police depuis 1847.

— Citoyens, dis-je aux gardes nationaux, ce monsieur est un agent secret, et en voici la preuve irrécusable. Conduisez-le à l’état-major de la légion, dont il dépend, et que ce dernier s’en arrange.

Ceci fait, je ne m’occupai plus de cet individu. Je devais cependant le revoir quelques mois plus tard en qualité de témoin à charge devant le 5e conseil de guerre siégeant à Versailles, car Marié jouera un des principaux rôles dans l’instruction de mon affaire.

D’autres agents secrets opéraient autour de nous.

Auprès du maire et des adjoints du cinquième arrondissement, la police de Versailles avait placé une de ses créatures. Ce mouchard remplissait les fonctions de secrétaire général de la mairie. On le connaissait sous le nom de Montagne.

Comme mon action s’exerçait en dehors de sa surveillance, il tenta, par l’intermédiaire du citoyen Muraz, de placer près de moi un de ses acolytes. Malgré que je fusse bien convaincu que l’individu recommandé par Montagne appartenait, comme ce dernier, à la police, je n’en priai pas moins Muraz, qui m’avait garanti le civisme du secrétaire général, de m’adresser son protégé. Il se présenta dès le lendemain.

L’ami de Montagne avait revêtu le costume de maréchal des logis de chasseurs à cheval. Il avait été blessé pendant la guerre et ne pouvait faire de service actif (?).