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des barricades au bagne

aux bons citoyens, qui, depuis si longtemps, luttent pour la suppression des conseils de guerre, que les hommes de 1871 tirent preuve de la même aversion vis-à-vis d’une institution qui, à l’heure où je trace ces lignes, déshonore encore notre pays de France.

Parmi les causes de faiblesse qui, dès les premiers jours, entravèrent la marche de la Révolution du 18 mars, il faut citer la composition plus que déplorable des cadres, comme des états-majors. Non seulement on assista à de nombreuses désertions d’officiers, mais, même après leur reconstitution, les éléments qui les composaient laissaient énormément à désirer. Bien rares furent les compagnies qui ne possédèrent leur agent versaillais, et les états-majors leurs espions.

La trahison était partout et les administrations civiles n’en furent pas exemptes. Si parfois des soupçons s’élevaient à propos, l’individu qui en était l’objet en était quitte pour un changement de bataillon ou d’arrondissement et, à peine celui-ci était-il parti, qu’un de ses complices venait combler le vide et continuer sa besogne désorganisatrice.

Le 59e bataillon possédait, depuis sa formation sous l’Empire, un tambour-major du nom de Marié. Ses allures équivoques, ses fréquentations habituelles et, aussi, quelques renseignements peu favorables, avaient éveillé les défiances des républicains et socialistes du bataillon ; aussi, dès la réorganisation des cadres, décidera-t-on de supprimer l’emploi un peu ridicule de tambour-major, en priant Marié de déguerpir.

Le lendemain même, grâce à l’entremise de ses complices en espionnage, il entrait dans un autre bataillon du cinquième arrondissement et coopérait, en qualité de tambour-major (!), à la sortie des 3 et 4 avril avec la colonne Duval.

Le citoyen Elysée Reclus faisait partie de ce dernier bataillon qui, d’après les dires des témoins, fut victime des manœuvres du sieur Marié.

Une grande partie des hommes, croyant, d’après ses dires, que les soldats faisaient cause commune avec eux, se laissèrent entourer et durent se rendre. Ceux qui purent échapper au coup de filet rentrèrent furieux et