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des barricades au bagne

passait son mandat. C’était bien le moment de parler de légalité !

Quelques membres de la Commune, plus prudents que dévoués à la Révolution, saisirent l’occasion qui s’offrait à leur pusillanimité et désertèrent leur poste de combat, donnant à entendre que leurs trop faibles épaules se refusaient à supporter une aussi lourde responsabilité.

Ces désertions, cependant, n’émeuvent guère le Paris communaliste : on se passera du concours des démissionnaires et, hardiment engagée dans la voie des réformes économiques, la seule vraiment révolutionnaire, la Commune poursuivra la série des mesures qui, malgré leur durée éphémère, n’en laisseront pas moins dans la mémoire des hommes un ineffaçable souvenir.

C’est, à la suite du décret sur les biens des Congrégations, celui supprimant le travail de nuit pour les ouvriers boulangers, après entente avec les travailleurs de cette corporation ; c’est enfin le décret — ô combien délicat à solutionner ! — ordonnant la remise des dépôts faits au Mont-de-Piété et ne dépassant pas la somme de vingt francs.

Les difficultés auxquelles on se heurte démontrent l’irréfutable nécessité d’une liquidation complète de cette institution usuraire, liquidation devant laquelle reculera la Commune, plus jacobine que socialiste, mais qui s’imposera — l’idée ayant fait des pas de géant — aux hommes qui auront accepté le mandat d’instaurer la vraie République et qui, agissant au nom d’un peuple moins imprégné de préjugés, œuvreront avec la hardiesse et la résolution qui conviennent aux bons ouvriers de la transformation sociale.

Les mêmes scrupules, les mêmes hésitations se rencontreront lorsqu’il s’agira des richesses accumulées à la Banque de France ; les hommes de l’Hôtel de Ville, ces « pillards », ces « bandits » mis hors la loi, que le poteau de Satory ou le bagne réclament, se contenteront, par la voix des citoyens Beslay, Varlin et Jourde, de réclamer les quelques avances indispensables pour assurer la solde de la garde nationale et, pendant que le délégué à la sauvegarde de la Banque de France et le délégué aux finances quémanderont les miettes du festin,