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des barricades au bagne

sent quelques lignards, ce qui indique que, nul défenseur de Paris n’est demeuré dans le village et, avant qu’ils n’aient pu se douter de notre présence, nos fusils ont couché deux ou trois Versaillais. Le reste s’enfuit, telle une troupe de chacals qu’on surprendrait en maraude.

Ne pouvant prétendre faire davantage, nous nous repliâmes sans précipitation ; quelques coups de fusil nous firent comprendre que les Versaillais, croyant à un retour offensif, avaient à la hâte rassemblé des forces pour résister aux fédérés.

Nous voici revenus vers l’auberge d’où la presque totalité des consommateurs sont partis vers Paris. A ce moment s’avance un bataillon ; serait-ce déjà l’un de ceux que nous attendons ? S’il en est ainsi, peut-être pourrons-nous tenter une action plus sérieuse ; mais ces hommes nous sont inconnus : ils appartenaient à un bataillon de La Chapelle, autant qu’il m’en peut souvenir.

Je vais au-devant du bataillon, je prie le commandant de m’entendre, de me permettre d’adresser quelques paroles à ses hommes, mais il ne veut rien écouter et s’éloigne dans la direction du fort de Montrouge.

Mes amis et moi prenons alors le parti de nous rendre à celui de Vanves. Le chemin offre quelque danger, car les Versaillais dirigent un feu terrible sur la position. Nous nous élançons et, sans qu’aucun de nous soit atteint, nous arrivons devant le fort où, après les formalités d’usage, nous pouvons pénétrer.

L’officier de service nous mène près du commandant ; ce dernier paraît abattu et nous donne à entendre que la situation est très critique. Nous nous empressons de lui faire connaître qu’il va recevoir des renforts, que non seulement nous précédons deux bataillons, mais que le parc d’artillerie de la route d’Orléans va lui envoyer des hommes, des canons et des munitions.

A mesure que ces choses lui sont communiquées, le visage rembruni du commandant s’éclaire et exprime la satisfaction, au demeurant fort légitime chez quelqu’un qui se croit abandonné et dont le peu d’hommes dont il dispose se trouvent exténués, hors d’état de résister à un assaut sérieux.