Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/72

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
53
des barricades au bagne

ou la non possession d’une position qui commande la grande route qui mène à Versailles.

Comme il eût mieux convenu, pour leur responsabilité et leur devoir, de se rendre au Mont-Valérien, de juger par eux-mêmes ce que valaient les dires de Lullier. Cette visite était autrement utile que celles faites à leur tailleur militaire. Aussi, vont-ils donner dans le piège qui est tendu à leur crédulité. Et, hélas ! ils ne seront pas les seuls.

Combien en entendîmes-nous, durant cette journée du 3 avril, de braves gens qui se moquaient de notre pessimisme, qui raillaient nos appréhensions : la sortie ne pouvait offrir de dangers, les soldats ne tireraient pas sur les gardes nationaux, et tout se passerait en un embrassement général, comme au 18 mars !

— Et le rond-point des Bergères, et les morts et les blessés de cette première attaque des Versaillais ? Et les trois gardes fusillés par Galliffet à Chatou ?

— Bah, simple méprise ; fâcheux malentendu. Voilà tout.

Telle était la note à peu près générale.

Etant donné que la sortie était une promenade qui se devait terminer par un vaste baiser Lamourette entre soldats et gardes nationaux, il était, en effet, inutile de se pourvoir de vivres et de munitions, de traîner avec soi une artillerie encombrante, de prendre de réelles dispositions de combat. Toutes choses fort fatigantes.

C’est ainsi que compagnies sédentaires et compagnies de marche, armées différemment, dans l’impossibilité par conséquent d’unifier leur action, s’avanceront avec le moins d’ordre possible et iront se heurter à des forces disciplinées : la colonne commandée par Duval aux chasseurs et aux lignards, celle d’Eudes aux gendarmes, et celle de Bergeret au tir inattendu des canons du Mont-Valérien qui, sans être très meurtrier, n’en jette pas moins le désordre dans cette foule aussi impressionnable que confiante.

Mal préparés pour le combat, les bataillons se débandent et nul, parmi les chefs, ne possède les qualités qui forcent la victoire : ils se battent bravement mais ne savent rien diriger. Autour d’eux quelques centaines d’hommes font preuve de sang-froid et de bravoure ; le