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des barricades au bagne

Tous les cadres sont désorganisés ; l’équipement, l’armement des bataillons sont dans un état déplorable ; en plein jour, avec une audace sans pareille, la réaction tient des conciliabules où elle ne se donne même pas la peine de dissimuler ses intentions.

Le 27 mars, elle s’est réunie à l’Ecole Polytechnique et a parlé de s’emparer de la mairie.

Voilà où en est le cinquième arrondissement douze jours après la victoire du peuple !

Je vais voir le nouveau commandant du 59e, le citoyen Féray ; je le trouve un peu découragé. Je lui propose de réunir les délégués des compagnies et les cadres demeurés fidèles à la Révolution, c’est-à-dire à la Commune. Il approuve ma proposition et convoque les intéressés pour le soir de ce même jour.

Après quelques mots du commandant, expliquant les motifs de la réunion, je fais l’historique rapide de ma tentative et de son avortement qui, pour une part considérable, incombe au citoyen Billioray. Je relate les divers incidents de mon séjour à Versailles et fais comprendre à tous combien il est indispensable d’agir vite et avec la plus grande énergie si l’on ne veut être écrasé par la réaction.

La réunion décide que le bataillon sera convoqué, afin de se rendre compte de l’effectif véritable, de son équipement et armement ; que la délégation à la légion sera renouvelée et qu’elle recevra un mandat ferme ; en même temps est décidée la destitution, comme suspect, du tambour-major Marié, ainsi que la suppression de ce grade.

Le lendemain, la délégation était nommée et assistait à la séance du Comité de légion. Le 1er avril, ledit Comité me choisissait comme président. C’était là une fonction nouvelle, de circonstance, dont les attributions ne furent jamais bien définies ; on la pourrait comparer, toutes proportions gardées, à celle de commissaire-délégué aux armées.

Le Comité de légion, émanation directe des bataillons de l’arrondissement, avait surtout à s’occuper de l’organisation des forces insurrectionnelles, d’aider au commandement et, au besoin, de le contrôler. Il devait veiller à l’exécution des mesures propres à assurer la