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des barricades au bagne
CHAPITRE VI
retour a paris. — les agents secrets. — rôles renversés. — justes rancœurs

Dès l’heure du départ du premier train pour Paris venue, l’un des deux frères C… alla me prendre un billet, pendant que le second demeurait avec moi. On me remit le billet, on me serra la main, et je gagnai le quai. Ayant aperçu un wagon où l’impériale était complètement libre, j’y montai et me plaçai du côté de la voie, de façon à échapper aux regards de la vermine policière, plus que jamais aux aguets. J’avais déplié le Journal officiel et, tout en paraissant le lire avec attention, j’observais les personnes allant et venant dans la gare.

Au moment où le train s’apprêtait à se mettre en marche, deux voyageurs arrivèrent et montèrent rapidement dans le wagon que j’occupais ; arrivés sur l’impériale, ils s’avancèrent vers le compartiment où je me trouvais et s’assirent en face de moi. Quelque peu inquiet de cet intempestif voisinage, et quoique paraissant me plonger dans la lecture de mon journal, je suivais des yeux les moindres mouvements de mes peu rassurants voisins, prêt à agir si la nécessité m’y obligeait.

Le train s’ébranle ; me voici en route pour Paris, qui, à ce moment, me paraissait se trouver au bout du monde. La lenteur de la marche me désespérait ; à chaque gare se voyaient, encombrant les quais, gendarmes et sergents de ville, qui dévisageaient insolemment les voyageurs. Cependant, les trains se dirigeant vers Paris étaient moins surveillés que ceux allant sur Versailles, et je pus impunément passer à travers ces désagréables inspections.