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mémoires d’un communard

chez soi ne me déplut pas, au contraire, et nous fîmes marché à raison de 75 francs par mois, payés d’avance. Certains de nos camarades payèrent jusqu’à 150 francs une toute petite chambrette.

Messieurs les propriétaires versaillais vont drainer de beaux louis d’or pendant que leurs concitoyens s’entr’égorgeront. Pourvu, toutefois, que la Révolution ne trouble pas leur quiétude, ce qui serait vraiment regrettable. Ah ! les braves gens !

Le lendemain nous apporta une affluence énorme de Parisiens : l’Assemblée devait inaugurer ce jour-là ses séances publiques dans la ville de Louis XIV.

Tout en collaborant à la préparation du travail de composition, auquel assistaient en curieux les marins préposés à la garde des « honorables » qui se proposaient d’étrangler Marianne et de mettre Paris hors la loi, je liai connaissance avec les « mathurins ».

J’en reconnus bientôt plusieurs pour les avoir vus à Cherbourg, en 1867, chez Mme Dupuy, rue des Chantiers. Ils appartenaient à la division cuirassée : la Flandre, la Gauloise et la Jeanne d’Arc.

Tout paraissait vouloir marcher à souhait ; quelques-uns, parmi ces hommes, étaient acquis à la cause républicaine, et deux ou trois s’affirmaient même socialistes.

Nous ne tardâmes pas à devenir de bons amis, et je songeais à la possibilité d’en faire des auxiliaires, d’autant plus précieux, qu’ils étaient dans la place.

Je l’avoue, à ce moment, j’eus l’espoir de voir se réaliser cet audacieux projet d’attaque simultanée du château et de la ville, à la condition que le Comité central crût en moi et consentît à mener les choses avec la plus grande rapidité et à ne pas permettre au gouvernement de se reprendre.

Parmi les typographes, il s’en trouvait également de décidés à tenter l’aventure, dont la hardiesse les attirait.

J’ai dit plus haut que le mot « typo » était le « Sézame, ouvre-toi » à l’aide duquel on pouvait, à toufe heure du jour et de la nuit, pénétrer dans le château par la rue des Réservoirs. Or, il advint que, dans la journée du 22 mars, M. Ernest Picard, ministre, voulut franchir la porte qui nous était dévolue, mais il en fut empêché par les deux factionnaires :