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des barricades au bagne

ce n’est pas là mon opinion. Je persiste à penser que votre place n’est pas à Versailles, mais au milieu de vos électeurs.

— Eh bien, et la vôtre ?

— Je pourrais vous répondre que si je suis à Versailles c’est pour y travailler de mon métier, mais ce ne serait pas une excuse suffisante. Non, citoyen, je suis ici pour faire œuvre révolutionnaire, et vous pouvez être convaincu que si mes projets sont couronnés de succès, il y aura du nouveau dans la chouannerie versaillaise.

« Vous voyez que votre cas et le mien ne sont pas identiques. »

En sa qualité d’ami commun, le citoyen Salles intervint, et je l’en remercie sincèrement, car, vraiment, le citoyen Millière était loin de mériter ma sévérité ; mais, en ces temps de surexcitation, on n’écoutait que sa passion politique. N’en est-il pas même encore et toujours ainsi ?

Grâce à cette intervention amicale, d’aigres-doux qu’ils étaient, nos propos devinrent plus amicaux. Cependant, comme l’heure de me rendre à l’imprimerie du château était proche, je pris congé des citoyens Millière et Salles.

Je ne devais revoir Millière que le 20 mai au soir, près de la mairie du Panthéon ; quant au citoyen Salles, j’ignore ce qu’il est devenu. Mais, étant donné son âge, la mort a dû probablement le ravir à l’amour des siens et à l’estime de tous ceux qui avaient pu apprécier sa droiture.

Je me rends rue des Réservoirs, où se trouvent les ateliers de la typographie. Tous mes camarades de travail sont présents. Deux marins gardent la porte donnant accès au palais ; M. Barbey nous fait connaître que le mot de passe adopté sera celui de « typo ».

Nous entrons et, après un tirage au sort, chacun prend possession de la place qui lui est échue. Ceci fait, nous allons déjeuner et, ensuite, nous pourvoir d’un logement, ce qui n’est pas le moins difficultueux, surtout pour des ouvriers, les logements ayant atteint en trois jours des prix excessifs.

Deux de mes amis et moi nous trouvâmes une vaste chambre, 10, rue des Tournelles, mais on ne pouvait y pénétrer qu’à l’aide d’une échelle. Cette façon d’entrer