Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
mémoires d’un communard

mais que Thiers opinait pour que l’on abandonnât la ville à l’insurrection. Le vieux renard, ajoutait-on, doit avoir une idée de derrière la tête.

Le malheur, c’est que le Comité central paraissait n’avoir rien prévu ni rien préparé, et que son général en chef ne songeait à rien moins qu’à agir. Un peu d’audace, et M. Thiers était pris au gîte avec quelques-uns de ses honorables collaborateurs.

Oui, mais pour faire triompher une Révolution, il faut, avant tout, de vrais révolutionnaires, et c’était, malheureusement, l’élément qui faisait le plus défaut.

Au lieu d’agir avec autant de promptitude que d’énergie, on se contenta d’apeurer le futur massacreur des Parisiens en faisant défiler sous les fenêtres du ministère des Affaires étrangères, où se trouvait le triste héros de Transnonain, deux bataillons de gardes nationaux.

Cinq minutes après leur passage, Thiers, qui se croyait perdu, s’enfuyait à toutes brides vers Sèvres et Versailles.

Ainsi se préparent, par la légèreté et l’indécision qui marquent les premières heures de l’action révolutionnaire, les désastres et les contre-révolutions sanglantes.

Au Panthéon, malgré notre petit succès, nous étions quelque peu inquiets. En outre de la brigade occupant le Luxembourg, deux ou trois bataillons de gardes nationaux du 6e arrondissement se tenaient à la disposition du gouvernement.

Le 21e était à l’allée de l’Observatoire avec du canon, et une de ses sections occupait l’Ecole des Mines. Je résolus d’aller lui enlever ses pièces.

Pour ce faire, je m’entendis avec le citoyen Féray, le nouveau commandant du 59e bataillon : les sieurs Chaper et Galle s’étant éclipsés.

Dès la nuit venue, nous nous mettons en marche. Je suis à l’avant-garde avec des camarades résolus de la 4e compagnie, dont le cadre presque tout entier est passé à la réaction.

Nous voilà devant l’Ecole des Mines.

— Qui vive ! nous crie une sentinelle.

— Gardes nationaux de l’Entrepôt (!), lui répondis-je.

— Avance à l’ordre !