L’incident Demphel nécessita, étant donné son transport à l’hôpital, un rapport circonstancié de La part de nos deux surveillants, ce qui mit Fournier dans l’impossibilité de m’accabler.
En attendant une circonstance plus favorable, il demanda et obtint de son chef hiérarchique, le sieur Guinet, que ces deux surveillants ne revinssent plus à son chantier. Il n’y eut même plus qu’un seul surveillant au lieu de deux pour conduire notre corvée.
Mais il est dit, et la Fosse-aux-Lions comme le Four-à-Chaux seraient là pour en témoigner si besoin était, qu’il n’est pire enfer qui ne connaisse son heure de gaieté.
Le sieur Fournier, gagnant beaucoup d’argent, — tous les sacs de chaux livrés n’étaient pas inscrits sur son livre de comptabilité, — songea à combattre les ennuis de son isolement en faisant un peu de musique ; il s’acheta, à cet effet, un piano. Cependant, quelque haut prix qu’il l’eût payé, l’instrument ne marchait pas seul et Fournier commençait à se désespérer lorsque, se frappant le front, il se dit qu’il avait cette bonne fortune de posséder, parmi les hommes de son équipe à demeure, c’est-à-dire couchant au Four-à-Chaux, le condamné Amouroux.
— Un ex-membre de la Commune, cela ne saurait soulever la moindre hésitation, doit connaître la musique et jouer de tous les instruments à vent et à cordes…
Du moment où il s’agissait pour Fournier de se procurer un professeur gratis et à son entière disposition, son opinion sur les membres de La Commune se modifiait du tout au tout. Il fit donc venir Amouroux et lui demanda s’il était musicien ?
Amouroux avait cette chance rare d’avoir été chapelier et artilleur ; or, il paraît que ces deux professions ont le don de vous initier à toutes les autres. Il répondit, — le contraire nous eût plongés dans un profond étonnement, — que le piano n’avait et ne pouvait avoir de secrets pour lui.
Devant cette affirmation, qui combla de joie Fournier, Amouroux fut promu professeur de piano et attaché à la personne de notre si exquis surveillant, marchand
