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mémoires d’un communard

chef Guinet, à ce Fournier, qui allait pouvoir me faire payer cher les avanies qui lui étaient survenues à bord du Rhin et le crime de l’avoir connu avant qu’il n’eût, comme tant d’autres, gagné ses galons de sous-officier dans le sang de ses compatriotes. Je considérais que rien de plus ennuyeux ne pouvait m’advenir que d’être livré à la merci de ce vil individu, aussi lâche que coquin.

Nous voici parvenus à destination. Fournier nous reçoit ; un sourire de satisfaction erre sur ses lèvres quand, de ses yeux clignotants, il m’aperçoit au milieu des condamnés qui lui sont envoyés ; puis, d’une voix qui zézaie désagréablement, il dit au surveillant commandant notre petit détachement :

— Cher collègue, combien de condamnés me remettez-vous ?

— Vingt-neuf ; tous communards !

— Je vais donc les avoir tous ici !… J’en possède déjà une dizaine ; mais ceux-ci appartiennent, paraît-il, à la crème. Nous allons voir ça.

Puis, venant droit à moi :

— Vous êtes arrivé par le Rhin et vous portiez, à bord, le numéro 277, n’est-ce pas ?…

— Vous avez une bonne mémoire ; j’avais, en effet, ce numéro.

— Oui ; j’ai une très bonne mémoire, dit-il en accentuant ces derniers mots de façon à me faire comprendre que je n’avais à attendre de sa part que de méchants et canailles procédés.

C’était comme une déclaration de guerre qui m’était faite, et tous mes camarades le comprirent comme moi.

— Déposez vos sacs ! commanda le chef de détachement, aussitôt que nous eûmes pénétré dans une espèce de hangar, non encore terminé, et auquel mettaient la dernière main quelques condamnés, parmi lesquels je reconnus Amouroux.

Il me fit un signe amical, et je compris qu’il faisait fonctions de contremaître.

On m’appela presque aussitôt et on me mit au chargement de la chaux. C’était le travail le plus pénible que l’on me pût imposer, car la poussière dont j’étais enveloppé me faisait un mal affreux à la gorge. J’eus,