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des barricades au bagne

« Afin, sacripant, que l’envie de recommencer ne te reprenne, je vais demander pour toi une punition sévère… Allons ! fous-moi le camp, et compte que je te tiendrai à l’œil ! »

Le libéré ne pouvait revenir de la surprise que lui causaient les menaces et la colère de Grévisse, qui, les joues empourprées, maniait sa grosse canne avec des gestes peu rassurants. Tête basse, il s’en fut rejoindre ses compagnons et leur conter sa mésaventure, pendant que le chef ordonnait que tous les condamnés fussent rappelés des divers chantiers où ils étaient occupés, et qu’un appel sérieux se fît immédiatement.

Au même moment le commandant Delaplane arrivait à la ferme, et le sieur Grévisse allait au-devant de lui.

De tous côtés débouchaient des condamnés, et, quelques minutes après, placés sur deux rangs, nous attendions qu’il plût au chef d’ordonner l’appel. Nous vîmes Grévisse sortir de son bureau, où le commandant s’était installé et l’avait sans doute « savonné » à la mode militaro-coloniale. Ses gesticulations ne nous annonçaient rien de bon.

Le voici devant nous, brandissant sa canne, pendant que les surveillants de la ferme, revolver au poing, paraissent disposés à en jouer contre nous.

— Ne bougez pas, tas de crapules ! hurle Grévisse ; contremaîtres, fouillez-moi les cases, retournez tous les effets, et s’adressant aux surveillants, qui n’avaient nul besoin d’être stylés : Si, pendant l’appel, quelqu’un bouge, brûlez-lui la gueule !…

L’ahurissement des condamnés ne se pourrait décrire ; ils ne comprenaient rien à cette scène brutale, ignorant, pour la plupart, la cause de toute cette agitation, de ces injures, de ces menaces proférées contre eux. Cependant, chacun sentant que c’était plutôt les communards qui étaient visés, on crut que quelque chose de nouveau s’était produit en France.

— Ce doit être la réaction qui a donné des ordres pour qu’on nous martyrise davantage, murmura, près de moi, un camarade.

Etant fixé, je me gardai de répondre et fis semblant de n’avoir pas entendu sa réflexion.

Nous passâmes une nuit épouvantable ; à chaque