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mémoires d’un communard

merie du gouvernement, et chacun s’en peut assurer de visu. Ce sont là des débris de papier qu’on balaie et pousse au dehors ; qui les veut emporter, le peut faire très facilement. Quant au condamné qui m’a dénoncé et accusé, il a cru, sans doute, gagner les faveurs de l’Administration en forgeant sa petite histoire…

— Vous avez l’audace de maintenir vos mensonges !… s’écria Charrière, en m’interrompant et s’avançant vers moi, comme s’il voulait me frapper.

— Je maintiens simplement la vérité, monsieur le Directeur.

— Ramenez-le en cellule, et je lui apprendrai ce qu’il en coûte de chercher à me tromper, dit, en se maîtrisant, l’irascible directeur.

Durant le trajet du bureau du commandant aux prisons, le surveillant me narguait en me parlant du martinet et de la quatrième classe. Je crus inutile d’engager un dialogue avec un monsieur aussi distingué. Parvenus devant ma cellule, il se retourna vers le correcteur et lui ordonna de me remettre mes « bijoux », c’est-à-dire la barre de justice.

Correcteur et surveillant s’étant éloignés, deux ou trois condamnés me demandèrent d’où je venais, si c’était la a Charogne » qui m’avait interrogé ? La Charogne, c’était le surveillant Charpyat, l’homme aux poucettes.

Je leur répondis que je venais de chez le commandant, où le Directeur se trouvait, et que ce dernier m’avait demandé un renseignement que je n’avais pu lui fournir. Et c’était tout.

— Ah ben ! mon vieux, que vous ayez affaire au Bossu ou à la Charogne, c’est kif kif.

Les prisonniers continuèrent à parler, mais je cessai de me mêler à leur conversation, tout entier à mes réflexions et ne tenant nullement à gâter mon affaire, déjà passablement dangereuse, en attirant sur moi les sévérités du règlement, en donnant stupidement la réplique à des voisins qui m’étaient complètement étrangers.

Les jours s’écoulaient monotones et aucune solution n’intervenait. Malgré l’avis amical qui m’était parvenu, je me demandais si la bastonnade ne m’était pas réservée.