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des barricades au bagne

Me voici debout, et le surveillant, m’ayant emprisonné les poignets à l’aide des menottes, me fit sortir de la cellule. Parvenu au grand air, je faillis tomber ; cependant, grâce à un vigoureux effort de volonté, je pus demeurer droit et, d’un pas assez ferme, je traversai le Pénitencier en toute sa longueur.

Quelques camarades de la Commune, attachés aux divers services et avertis de ma sortie et de mon interrogatoire, par l’arrivée du directeur Charrière, s’arrangèrent de façon à se trouver sur mon passage ; ils remarquèrent mon extrême pâleur et les efforts que je faisais pour suivre le surveillant qui me conduisait chez le commandant.

Du reste, cette marche assez rapide, en activant la circulation du sang dans mes veines, aidait au retour de mes forces à tel point qu’au moment où nous entrions chez le commandant, ma faiblesse avait presque disparu.

Le colonel Charrière et le commandant Delaplane m’attendaient, et, à peine étais-je arrivé qu’un surveillant aborda son collègue et le pria d’entrer avec son prisonnier.

Le commandant m’ordonna d’avancer, pendant que son chef hiérarchique m’observait. Son air renfrogné ne me disait rien de bon ; mais que pouvais-je attendre d’un pareil individu ?

Il vint à moi et, avec la brutalité qui lui était familière, il commença ce qu’on était convenu d’appeler un interrogatoire :

— Ah ! vous voilà ; la cellule et la barre de justice ont dû, en attendant quelque chose de mieux, vous apprendre qu’on ne me résiste pas. J’ai su, jusqu’ici, briser même ceux qui se croyaient indomptables. Inutile, donc, de dissimuler plus longtemps. Vous avez correspondu avec les condamnés de la Commune, et c’est pour eux que vous voliez les épreuves dont une partie est tombée entre les mains de l’Administration pénitentiaire… Allons, avouez !

— Je n’ai autre chose à répondre que ce que je vous ai répondu, monsieur le Directeur : « Les épreuves dont vous me parlez pour la seconde fois sont à la disposition de tout promeneur qui passe près de l’impri-