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mémoires d’un communard

il advint que le charretier du camp de Saint-Louis tomba malade et fut remplacé par un individu se disant condamné pour désertion à la Commune. Ne le connaissant pas assez, je m’étais bien gardé de lui confier les épreuves que, depuis longtemps, son prédécesseur emportait et remettait fidèlement à nos amis.

Le malheur voulut qu’il lut commandé, lui second, pour aller chercher et transporter le mobilier du nouveau chef de camp de Saint-Louis, un sieur Doumert, tout confit en dévotion, et dont il se fallait méfier comme du feu.

Au retour de Nouméa, les deux attelages furent surpris par un orage épouvantable et bêtes et gens durent s’arrêter à Montravel. Les deux charretiers furent envoyés dans la case où je me trouvais : la première en entrant dans le camp. Dès qu’il connut ma présence, l’ex-soldat vint à moi, me narra sa condamnation par le conseil de guerre et me parla des camarades de Saint-Louis, déjà très malmenés, et que la venue du chef Doumert désespérait.

— Les Pères maristes commandaient en maîtres auparavant ; que sera-ce maintenant ? Et il continua ainsi à déverser sa bile contre les Pères et les surveillants.

Sa loquacité eût dû m’inspirer des doutes, mais comme j’avais pu me procurer de quoi le réchauffer : du thé et un peu de tafia, je mis son bavardage sur le compte de cette boisson et de quelques cigarettes que son camarade et lui — grâce à la complaisance de mes voisins —avaient également fumées.

Il paraissait heureux de cette réception et me dit qu’il ne manquerait pas d’en parler aux communards de Saint-Louis : à Amouroux, à Humbert, à Viard, à Girault, à Géresme, etc.

J’avais sur moi les épreuves des dernières dépêches qui devaient, le lendemain, être insérées dans l’organe gouvernemental de la colonie ; je lui demandai s’il serait désireux d’apprendre à nos camarades la constitution du nouveau ministère et diverses autres nouvelles, non encore publiées.

— Comment, dit-il, vous avez ces renseignements ?

— Certainement, puisque je suis à l’imprimerie du