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mémoires d’un communard

Richerie, le colonel Charnière ordonna que des mesures restrictives fussent de suite prises contre les déportés à l’enceinte fortifiée. Quant à ceux des déportés simples qui habitaient Nouméa ou la grand’terre, ils furent inquiétés, menacés de réintégration à Pile des Pins. Beaucoup d’entre eux furent envoyés à la presqu’île Ducos, en attendant leur départ pour cette destination.

Les tracasseries administratives atteignirent jusqu’aux commerçants ou négociants que l’Administration soupçonnait de quelque sympathie à l’égard des vaincus de la Commune.

Mais la rage des geôliers ne pouvait faire revenir les fugitifs et, bon gré mal gré, il fallut aviser le gouvernement de la métropole de leur fuite, d’autant que la presse australienne ne tarderait pas à annoncer leur arrivée dans un des ports de ce continent, objet de convoitise pour tous les « chenapans » dont ils avaient la garde.

La nouvelle de l’évasion, parvenue en France, y produisit une très grande sensation. Le gouvernement s’en émut et on décida qu’un envoyé extraordinaire irait faire une enquête sur place. Le contre-amiral Ribourg fut choisi et muni, à cet effet, de pleins pouvoirs.

Son arrivée à Nouméa marqua la ruine de plusieurs colons et l’expulsion de M. Dusserre, en même temps que le départ de M. de La Richerie, l’intérim, comme gouverneur, du colonel Alleyron, le héros des assassinats en masse des prisonniers a la caserne Lobau, et, brochant sur le tout, une ère d’arbitraire et de terreur dont la déportation et la colonie devaient longtemps souffrir.

Quant à nous, les forçats, nous pûmes simplement constater que le martinet, et surtout la guillotine, paraissaient fonctionner avec un entrain nouveau.

Charrière, en chiourme accompli, était désolé de ne pouvoir appliquer notre régime aux déportés ; ne pouvant les faire fouetter, il les voulut, du moins, soumettre au travail obligatoire, sous peine de se voir enlever une partie de leur nourriture. Le peu qui résistèrent connurent les affres de la faim.

Quelque temps après l’évasion des six déportés, dont les journaux avaient relaté la complète réussite, une