Page:Allemane - Mémoires d’un communard.djvu/274

Cette page n’a pas encore été corrigée
255
des barricades au bagne

Annoy, durant près de deux ans, avait été employé à la direction pénitentiaire comme écrivain. Nous nous étions connus à l’imprimerie Lahure, sise rue de Fleurus et rue de l’Ouest, à Paris.

L’atelier gouvernemental, situé, ainsi que je l’ai écrit, au pied du mamelon sur lequel était édifié le sémaphore, se trouvait comme isolé du restant de la ville. Une seule maison l’avoisinait. Il formait un édifice rectangulaire qui ne comportait qu’un vaste rez-de-chaussée ; le bureau du directeur, le magasin à papier et l’imprimerie proprement dite en constituaient la division. Tel était l’ensemble dudit bâtiment, que complétaient deux immenses réservoirs emmagasinant précieusement l’eau qu’il plaisait aux nuées de déverser.

CHAPITRE II
où je revois le citoyen jourde. — projets en l’air. — les familles des fédérés. — le commerçant dusserre. — l’évasion de rochefort et de ses compagnons. — scènes de bagne.

Un matin, le compagnon M… m’apprit que le citoyen Jourde, membre de la Commune et ex-délégué aux Finances, actuellement employé comme comptable chez un gros commerçant de Nouméa, M. Atkinson, venait de louer la maison qui se trouvait en face l’imprimerie.

En effet, dès l’après-midi de ce même jour, je pus voir le citoyen Jourde en son « home », et ce fut là, on en conviendra, un des incidents et non le moins étrange de mon existence.

Tout en travaillant, je songeais à ces bizarreries de ma vie militante. Je me voyais condamné à demeurer au bagne jusqu’à la mort, et là, devant moi, vaquant à l’arrangement de son intérieur, un homme, un pseudo-prisonnier qui, plus heureux, malgré la disproportion