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des barricades au bagne

cette perle du Pacifique. Il faut savoir faire crédit aux gouverneurs.

On fait l’appel des condamnés, et on nous classe par détachements. Les uns vont à la Vallée-des-Colons, d’autres à l’Orphelinat, et moi, second, à Montravel. Les trois camps dont je viens de parler renferment un effectif considérable, c’est le réservoir où puisent les chefs des services établis à Nouméa : gouvernement, direction de l’intérieur, direction de la Transportation et de la Déportation, arsenal ( !), imprimerie, salubrité et édilité, emplois divers et… domesticité. Ce dernier service compte autant de personnel que tous les autres réunis, car c’est au fonctionnaire ou à l’officier qui aura le plus de domestiques-forçats.

Mon compagnon de voyage et moi, — après que le surveillant Sarron eut fait quelques commissions et stations dans les débits nouméens durant lesquelles nous dûmes demeurer près des chaloupes — fûmes conduits au camp des Oiseaux, petit tertre situé à droite delà route menant à Montravel et au Pont-des-Français. Au pied de ce mamelon se trouvait un poste de gendarmerie qui commandait l’entrée de la petite ville de Nouméa.

Ce fut sur ce tertre, servant de lieu de réunion aux forçats appartenant au détachement de Montravel que furent lâchés les premiers oiseaux francs exportés de France, et qui, abrités par le bouquet de bois qui le couronne, s’y sont multipliés plus peut-être qu’on ne l’eût désiré.

Un hangar, des cuisines rudimentaires, un kiosque servant de réfectoire aux surveillants militaires et… un blockaus avec barres de justice, constituent l’ensemble des constructions élevées au camp des Oiseaux.

Mais il va être sept heures, et c’est le moment où la longue théorie des forçats de Montravel débouche de la route ; notre bagage devant être laissé sur le tertre, nous dévalons rapidement, et Sarron nous remet entre les mains de notre surveillant respectif.

Quelques minutes après, je faisais mon entrée dans l’imprimerie du gouvernement, située au bas de la montagne qui surplombe la ville et sur laquelle est établi le sémaphore.

Parmi les condamnés appartenant à notre « corvée »