La chaleur était telle que je dus, à plusieurs reprises interrompre ma correspondance : non seulement la sueur m’aveuglait, mais en tombant sur le papier elle produisait des taches qui me désespéraient.
Lorsque l’ordre du départ fut donné, nous éprouvâmes comme un soulagement, et nul parmi nous n’exprima la moindre sympathie pour la terre sénégalaise. Nous devions, cependant, connaître une température plus accablante et une souffrance plus terrible encore : la soif !
Mais, auparavant, je dois narrer l’exploit d’un sieur De La Ruelle — au seul nom on en devine la haute noblesse — sous-lieutenant de vaisseau et fils de qui l’on voudra, de l’éducation auquel messieurs les Jésuites s’étaient chargés.
Ce bas individu s’était promis — sous le fallacieux prétexte que des condamnés dissimulaient des sommes importantes, en vue d’une évasion — de nous soumettre à une visite dégradante.
La colère grondait chez quelques-uns des nôtres, et on décida que la chose n’irait pas sans à-coup, d’autant que ce saligaud ne visait qu’à nous avilir, n’ayant, en somme, aucune qualité pour se livrer à une visite de cette nature.
Le tour de mon plat était venu, pendant que quelques-uns des forçats se déshabillaient, de la cabine où opérait De La Ruelle ou des ruelles, nous parvenaient les grossièretés dont il accablait les victimes de son sadisme. Nous échangeâmes un coup d’œil où se lisait notre commune résolution de résister.
Cependant, ce va-et-vient des condamnés n’avait pu échapper à la vigilance du capitaine d’armes, et il en avisa le lieutenant Jean Bart, un descendant du célèbre corsaire dunkerquois ; celui-ci se rendit à la cabine où se délectait le Des Ruelles et mit un terme à son peu propre amusement.
C’est là, en traits hâtifs, un tableau de mœurs qui porte l’empreinte de la « saine éducation » des révérends Pères.
Nous approchions de la ligne et, se conformant à l’usage, en une saturnale des plus burlesques, équipage et passagers se doivent distraire en compagnie de Nep-
