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des barricades au bagne

attendait. N’avait-il pas, pour cette fin, écrit à son « ami » Gambetta !

L’amitié d’un grand homme est souvent oublieuse, et notre malheureux camarade ne devait connaître d’autre concession que celle impartie à sa dépouille dans le cimetière des forçats où tant des nôtres devaient trouver un terme à leurs souffrances.

Notre garde-robe se composait, à bord, d’une blouse en toile grise, d’un pantalon en laine grise, d’un long bonnet de laine grise, de godillots et de deux chemises de grosse toile. Nous avions, en outre, un hamac et une couverture.

Le tout devait être maintenu en état de propreté, sous peine de diverses punitions. Cela nous changeait du régime crasseux du bagne.

On sonnait le réveil à cinq heures ; à six heures se distribuait le café. Celui-ci absorbé, le lavage de la cage commençait. À onze heures, le déjeuner, se composant d’un biscuit de troupe, d’un seizième de pain de munition, un bouillon, haricots et vingt-trois centilitres de vin[1].

A cinq heures, un biscuit, une soupe au riz, un second seizième de pain.

Le dimanche et le jeudi, soupe grasse, 250 grammes de lard, de viande ou de conserve.

Tel sera notre ordinaire, à bord du transport le Rhin, durant les quatre-vingt-seize jours que durera notre voyage de Toulon à Nouméa.

Le plus ennuyeux c’est que, la vaisselle étant rare, il nous faut manger dix dans le même « bouyau » ou baquet. On peut se faire une idée des récriminations qui découlaient d’un tel état de choses.

Parmi les surveillants militaires préposés à notre garde, se trouvait un sieur Fournier — encore un qui doit être bien renté — ex-sous-officier d’infanterie de marine ; Parisien et élevé dans le cinquième arrondis-

  1. Le quart de vin se devrait, normalement, composer de 25 centilitres, mais il est d’usage dans la marine de réduire la ration de vin de deux centilitres. Cette retenue sert à constituer une partie de la retraite des équipages de la flotte. On honorait les forçats en les faisant collaborer (de force) à cette œuvre de prévoyance… sociale (?).