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mémoires d’un communard

— Ainsi que la consigne me l’ordonne, mon adjudant, j’ai visité soigneusement chaque boîte, examiné le tout avec le plus grand soin.

— Vous croyez ; eh bien, sergent, vous avez été joué par ce gaillard-là. Sa boîte renfermait sûrement autre chose que ce que vous avez vu.

— Quoi donc, mon adjudant ?

— Eh ! parbleu ! une correspondance pour les journaux !

J’eus un instant d’inquiétude, mais la figure contractée de l’adjudant me rassura. Tout en l’examinant, je me disais que si le gredin possédait la moindre preuve, il n’aurait pas cette figure-là, et je ne me trompais pas.

— Cependant, dit le sergent Michel, je vous assure que j’ai regardé et palpé les boîtes avec le plus grand soin et que l’adjudant de service a fait de même.

— Il fallait garder la boîte du 24.328 et mettre les objets dans une autre boîte. Comprenez-vous, sergent ?

Et Monnin s’en fut en proférant des menaces contre ce maudit 24.328.

Fort heureusement pour moi que je n’allais pas tarder à quitter Toulon, car j’étais en « salle », c’est-à-dire en instance de départ pour la Nouvelle-Calédonie, depuis plus de quinze jours.

L’avant-veille de notre embarquement, à la minute même où le coup de canon annonçant la fermeture du port de guerre retentissait, un cri formidable de : « Vive la Commune ! » se fit entendre.

À ce cri, les gardes se dressent, saisissent leurs armes ; des adjudants accourent. Ils nous trouvent au rama, paisiblement allongés sur le lit de camp. Le plus grand silence règne dans la Casemate.

Les injures, les menaces pleuvent sur nous, mais nul ne paraît les entendre. Las de nous invectiver, les adjudants donnent les ordres les plus sévères, et l’un d’eux, avant de se retirer, intime cette consigne au sergent, chef de poste :

— À la moindre velléité, tirez dans le tas !

Chacun comprend que cette gaminerie peut avoir de très fâcheuses conséquences et se tient coi. Au matin,