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des barricades au bagne

lequel ordonna une contre-enquête. Mais, cette fois comme la première, le chef de poste tint bon et dit la vérité. Sa déposition sauva le camarade incriminé par l’aumônier et on nous enleva du rama. Nous en pouvions remercier le sergent.

Cet homme honnête, égaré dans la chiourme, s’appelait Michel. Il devait nous rendre encore quelques services, car il était la loyauté même.

Nous étions indignés contre l’aumônier, mais il fallait se taire : Rastouil et Boudaille étaient tout oreilles et n’attendaient qu’une parole imprudente, échappée à l’un de nous, pour aller la rapporter à l’aumônier ou à l’adjudant Monnin.

Le citoyen Berthier faisait alors fonction de « service-intérieur ». Brave entre tous, il passait depuis des mois la correspondance illicite. Nous cherchâmes le moyen de faire connaître à la population toulonnaise les procédés employés contre nous par l’aumônier.

Berthier vit le maître de la forge et lui confia que je tenais à faire parvenir à la presse républicaine le récit des faits et gestes de ce prêtre haineux.

— Dites à Allemane que je suis à son entière disposition, répondit ce vaillant et dévoué citoyen.

Je fis un premier article que Berthier emporta. Le lendemain, il paraissait dans le Progrès du Var, qui avait Tardif comme rédacteur en chef. Une polémique très vive s’engagea ; l’aumônier répondit en démentant les faits rapportés par le Progrès.

Un deuxième article suivit ; la population, cette fois, convaincue de la véracité des imputations formulées contre l’aumônier, prit parti pour les « communards du bagne » et des manifestations hostiles se produisirent. On pourchassa notre ennemi de telle façon que cet ensoutané dut — ô ironie ! — chercher un abri au bagne.

On doit juger de la colère, du désir de vengeance qui étaient en lui.

Malgré les précautions prises, l’incident faillit tourner au tragique. Rastouil et Boudaille, interrogés par l’aumônier et l’adjudant Monnin — tous deux convaincus que les articles publiés avaient été écrits à la Casemate — firent planer les soupçons sur moi. On leur recom-