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des barricades au bagne

Les trois hommes se rendirent à la cuisine ; Guérino brandit sa corde et, d’un seul coup, fendit ladite table.

— Vous voyez, dit alors le bourreau, qu’en frappant ainsi que je le lais, je demeure d’accord avec vos instructions, lesquelles m’enjoignent d’éviter de tuer les patients.

— C’est bien, ajouta le commissaire, encore tout étourdi de l’épreuve ; agissez, à l’avenir, comme vous l’avez toujours fait. Et il rentra chez lui, durant que Latreiile s’en allait maugréant, mais quand même impressionné par ce coup de corde formidable.

Une seule fois, il advint que Guérino tua son homme sous la corde : ce condamné avait dénoncé plusieurs de ses compagnons d’évasion. Au douzième et dernier coup, ses poumons furent meurtris. Il expira sur le banc de torture.

Jadis, la corde était donnée par un garde-chiourme, un genou à terre ; depuis, le progrès dictant ses lois aux gouvernants, on s’est mis en quête du forçat le plus robuste et le plus brutal pour lui confier la haute mission de frapper à mort ses codétenus, et ce dans les conditions hideuses décrites plus haut.

Ainsi qu’il convient à tout établissement relevant du gouvernement de la « République », le bagne avait aussi son aumônier, et ce dernier avait le grand mérite de ne pas dissimuler la haine qu’il nourrissait contre les communards ; aussi le saint homme cherchait-il à aggraver notre situation et à taire de la Casemate une prison épouvantable.

Il s’était, à cet effet, assuré le concours de quelques misérables, qui consentirent à devenir ses espions. Le plus vil fut un nommé Rastouil, ex-membre du Comité central d’artillerie ; on le disait également ancien prêtre. En compagnie d’un sieur Boudaille, condamné pour désertion à la Commune ( ?), il assistait à la messe, se confessait et communiait. Tous deux étaient devenus les créatures de l’aumônier vindicatif et les protégés d’un Jésuite de robe courte, l’adjudant Monnin.

Ce Monnin, porte-bannière à l’église, était à l’entière dévotion de l’aumônier, et il devint le zélé collaborateur de ses basses vengeances. Une guerre acharnée fut, par ces tristes sires, déclarée aux « bandits de la Commune »