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des barricades au bagne

teurs, pourvoyeurs des pelotons d’exécution, il n’en était pas un qui pût lui être comparé.

Et avec quelle douce saveur ces choses étaient dites !

Perdant tout sang-froid, Estherhazy — pardon ! — Demoignaux de la Salle marcha vers moi ; je m’apprêtais à le recevoir selon ses mérites, lorsque, pâle, défait, il se reprit et cria au gardien Mayer, qui assistait à la scène :

— Emparez-vous de cet individu et mettez-le au cachot, pieds et poings liés !

Le gardien appela le directeur, durant que le capitaine Demoignaux et moi continuions à nous invectiver.

Dès que le directeur parut, le capitaine-rapporteur lui renouvela l’ordre de me mettre aux fers, mais M. Boucher lui fit observer que lui seul était juge des mesures qu’il convenait de prendre à l’égard des détenus.

Le sieur Demoignaux se récriant et parlant de se plaindre, le directeur lui dit sèchement :

— Monsieur, les interrogatoires des prévenus se doivent faire au dehors de la prison ; ordonnez donc que l’on conduise M. Allemane où il vous conviendra, et, ainsi, vous pourrez agir selon votre volonté.

Puis, s’adressant à moi :

— Vous avez donc injurié M. le capitaine-rapporteur ?

— Monsieur le directeur, il plaît au capitaine d’être insolent ; or, je ne suis que prévenu et j’entends être respecté ; sinon, je répondrai du tac au tac.

— C’est bien ; gardien Mayer, reconduisez le prisonnier au préau.

Que se passa-t-il entre le directeur de la prison et le capitaine-rapporteur ? Je l’ignore, mais les interrogatoires qui suivirent furent loin de ressembler aux précédents ; seul, le dernier, marqua quelque vivacité.

On me permettra d’abandonner pour l’instant le sieur Demoignaux pour m’occuper d’un autre personnage pour le moins aussi intéressant.

Notre prison avait pour aumônier un certain abbé Follet qui, après avoir déblatéré sur la Commune, se plaisait, en son prêche dominical, à narrer la cérémonie