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mémoires d’un communard

bond qui fit reculer les deux escogriffes, ce qu’il y a, corpo di bacco ! il y a dans mon sac une guillotine à gendarmes ! (sic).

Nous partîmes d’un fou rire.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le délateur avait atteint son but : l’autorité connaissait l’évasion et allait prendre des mesures en conséquence.

On fit sortir le dénonciateur, on remplaça les soldats du génie par des sergents de ville et on aggrava notre situation en la rendant beaucoup plus pénible.

Le jeune Ferré, atteint d’un épanchement au cerveau, fut dirigé sur l’hôpital militaire.

Après Une vaine tentative d’évasion : le descellement d’une énorme pierre de taille, entrepris entre Genton, Herpin-Lacroix et moi, tentative qui nous valut cette déception de tomber en face même de la sentinelle placée à l’extérieur, Genton fut envoyé à la Maison de Justice. Du reste, nous n’allions pas tarder à être tous transférés.

Une grande surprise nous était cependant réservée : le cinquième jour après son évasion, à la stupéfaction générale, nous vîmes revenir Lagrange qui, volontairement, à la suite d’une « bordée », tirée en compagnie de Langelle, venait se constituer prisonnier, à l’ébahissement des gens de la Prévôté, qui n’en pouvaient croire leurs yeux.

Le plus curieux en cette affaire, c’est que mons Lagrange s’était inutilement présenté dans un commissariat de police, voire même à la Préfecture. On avait refusé de l’arrêter, sous cet étonnant prétexte qu’il appartenait à la justice militaire, et, éconduit, il était stupidement revenu à la prison d’où il s’était évadé, tel un serin envolé cherchant et retrouvant sa cage.

La colère de tous fut aussi grande que légitime ; quant à moi, j’étais d’autant plus furieux contre Lagrange que son escapade m’avait coûté la liberté et pouvait même me coûter la vie.

Baissant la tête sous nos reproches, hébété par la noce et la fatigue, le malheureux Lagrange s’en fut se coucher dans un coin de la salle, en attendant que ses ennemis l’y vinssent cueillir pour le condamner à mort et le fusiller.