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mémoires d’un communard

Comme je supputais les chances qui me demeuraient — et elles étaient vraiment peu grandes — le jeune Georges vint me dire que sa mère m’attendait. Je le suivis, bien décidé à faire comprendre à cette vaillante femme que la situation n’était plus tenable et que mieux valait, pour elle comme pour moi, que je quittasse l’abri qu’elle m’avait si généreusement offert.

— Notre modeste souper est servi, monsieur Allemane, et vous allez nous faire le plaisir de le partager avec nous, me dit Mme Arnaud, avec un sourire qu’elle s’efforçait de rendre joyeux.

— Ma chère Madame, votre courageuse sollicitude à mon égard me commande de ne pas en abuser ; du reste, je vous le dis loyalement, il ne m’est plus possible de demeurer ici. Il faut à tout prix que je parte…

— Comment ! vous allez encore nous parler de partir ?

— Oui, Madame ; quels que soient les dangers qui m’attendent, il me faut quitter cette maison, et je vous prie de croire que je n’oublierai jamais votre incomparable vaillance.

— Je vous assure que vous nous chagrinez, car nul danger ne nous menace. Attendez au moins quelques jours encore.

J’allais répondre, quand la sonnette retentit. Prestement et sans bruit je regagnai le cabinet où, aussi vivement que possible, je me mis en état de défense.

Le jeune Georges alla ouvrir. Je compris a sa voix, qu’au lieu d’un ennemi, c’était ma chère et dévouée compagne qui entrait…

Je la laissai passer et gagner le fond de l’appartement, puis je sortis de ma cachette — j’allais écrire de ma prison — et je revins près de Mme Arnaud, où ma Marie se tenait.

Ceux-là seuls qui ont traversé des épreuves de la nature de celles que je me suis efforcé de dépeindre avec la plus grande fidélité, peuvent se faire une idée de la joie que j’éprouvais, et cette joie fut d’autant plus grande que ma Marie n’était pas seulement libre et vivante, mais qu’elle m’apportait des nouvelles de ma